Le projet Advance, financé par l’Union européenne avec une participation suisse via le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), vise précisément à explorer les facteurs contribuant à la détresse mentale chez les personnes âgées ainsi que la stigmatisation qui l’entoure et à tester deux programmes dont l’objectif est de renforcer la santé mentale et les capacités cognitives. Ce volet suisse réunit des chercheurs et chercheuses du Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités (Cigev).
«Le stress mental touche les personnes âgées de diverses manières, explique Melanie Mack du Cigev. Nous avons identifié deux principales voies: un facteur affecte leur santé mentale et entraîne l’isolement social – être seul, se sentir seul, être dans un réseau tout en étant isolé. L’autre concerne le fonctionnement cognitif – le développement de problèmes cognitifs dans différents domaines liés à la santé mentale.» Selon la chercheuse, ces deux domaines interagissent: le stress affecte le fonctionnement cognitif, et remarquer un déclin mental peut accroître encore davantage le stress.
La vulnérabilité chez les personnes âgées suisses
La vulnérabilité chez les personnes âgées fait principalement référence à une sensibilité accrue au déclin mental et cognitif, ce qui représente un défi majeur pour les systèmes de santé et les décideuses et décideurs publics.
Les personnes âgées en Suisse forment un groupe très diversifié, et leurs résultats en matière de santé varient selon des facteurs tels que l’éducation, le revenu, le genre et le statut migratoire. Certains sous-groupes seront donc plus à risque que d’autres.
L’équipe de Melanie Mack a identifié un certain nombre de ces vulnérabilités. Les personnes en pré-fragilité, ayant des problèmes de mobilité ou souffrant de douleurs chroniques sont davantage exposées aux complications de santé. D’autres rencontrent des difficultés liées à la perte auditive inhérente au vieillissement, à la peur de tomber ou à la gestion de traitements médicamenteux complexes. Les défis émotionnels, comme le deuil prolongé après la perte d’un partenaire, peuvent également avoir un impact important sur la santé mentale et physique.
«On peut comprendre la vulnérabilité à un âge avancé selon trois domaines clés, analyse Melanie Mack. Le fonctionnement cognitif, d’abord, avec des dégradations allant de changements normaux jusqu’à la démence. La santé physique, ensuite, avec des risques tels que l’amenuisement des forces, la réduction de la mobilité, ou l’apparition d’affections chroniques comme la perte auditive ou la douleur. Enfin, la santé mentale, associée à des risques tels le deuil prolongé ou la solitude. Lorsqu’un déclin dans ces domaines clés se manifeste, la vulnérabilité cognitive et mentale augmente.»
La stigmatisation
Le vieillissement subit par ailleurs des perceptions négatives: les personnes âgées sont perçues comme dépendantes, coûteuses, inactives, voire comme un fardeau pour la société. Ces stéréotypes et discriminations en fonction de l’âge, appelés «âgisme», sont présents dans de nombreux domaines, notamment le monde du travail et les soins de santé.
«L’âgisme est un problème majeur en Suisse, souligne Melanie Mack. Les personnes âgées se sentent souvent stigmatisées. Une donnée qu’elles peuvent intérioriser. Elles finissent par croire qu’en effet, elles sont moins capables que les jeunes. On les considère, par exemple, comme moins aptes à travailler efficacement ou dépassées par la technologie.»
Cette stigmatisation peut aussi venir de l’extérieur, notamment dans le domaine médical: il arrive que les médecins traitent les personnes âgées comme des enfants. Certaines disent se sentir infantilisées par les professionnel-les de santé. Cela peut se manifester par un langage simpliste, un ton condescendant, ou par le fait d’ignorer leurs questions, voire de parler uniquement à leurs proches. Ces expériences laissent un sentiment d’invisibilité et de manque de respect.
Que peut-on faire?
Melanie Mack insiste sur la nécessité d’adopter une approche globale, qui tienne compte des besoins et situations spécifiques des personnes âgées. En Suisse, le projet Advance teste deux programmes axés sur le renforcement de la santé mentale et des capacités cognitives: Self-Help Plus (SH+) pour la gestion du stress, et un entraînement de la mémoire (COG).
«Nous ciblons deux aspects: la santé mentale et le fonctionnement cognitif. Ces deux dimensions sont liées. Par exemple, les personnes isolées ont souvent un fonctionnement cognitif plus faible. Il s’agit donc d’un effort intégré», précise la chercheuse.
Cette combinaison n’a encore jamais été testée chez les personnes âgées sans passé migratoire en Suisse. L’étude cherche à déterminer si cette combinaison est plus efficace que les deux interventions prises séparément.
Les chercheurs et chercheuses du Cigev veulent tester cette intervention dans toute la société suisse, avec des échantillons représentatifs de différents statuts socioéconomiques, dans le but de comparer les effets de la combinaison par rapport à l’entraînement cognitif seul ou à la gestion du stress seule. Grâce à une évaluation des coûts, les scientifiques espèrent mettre sur pied une solution adaptée à tous les échelons de la société. Le projet implique également un Groupe consultatif sociétal, composé de seniors, de soignant-es, d’expert-es et de membres d’ONG, pour s’assurer que les programmes seront bien conçus pour le public cible.
Advance recrute actuellement des participant-es en Suisse pour tester un entraînement destiné à promouvoir le bien-être et l’agilité mentale chez les personnes âgées.
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